Prolégomènes



L’ANAGNOSTE 
 
Voilà un nom bien savant – et pédant, siffleront les mauvaises langues – pour désigner un simple blog où il ne sera jamais question, au fond, que de littérature.

Pourquoi, donc, l’anagnoste ?

D’abord parce que les mots ont un sens. Si nous n’avons, ni l’un ni l’autre, rien de ces affranchis qui, naguère, à Athènes, donnaient lecture pendant leur repas aux aristocrates ou à leurs anciens maîtres (à quoi renvoie le mot), cela ne fait pas de nous des professionnels de la profession, et nous n’aimons rien tant que donner l’envie de lire des livres (certains livres). Nous sommes des lecteurs, donc, des liseurs, et il ne nous déplaît pas, tel celui qui déclame à voix haute les pages sacrées pour ceux de sa communauté, de faire la lecture aux autres dans notre propre assemblée – fût-elle virtuelle.

Ensuite parce que si la langue est vivante, et si rien ne peut réjouir davantage celui qui se pique de lettres que de l’entendre frémir et frissonner à travers le temps, il n’y a aucune raison alors, si ce n'est par indolence ou effet de mode, de laisser les mots d’hier s’échouer sur les grandes plages de l'oubli contemporain. Aussi nous sommes heureux, oui, d’affecter ce joli mot, anagnoste, d’un certain vernis de modernité.

Nous poursuivrons sur l’anagnoste ce que nous faisions déjà sur nos blogs respectifs, mais nous le poursuivrons, donc, à deux. D’abord parce que c’est plus amusant. Ensuite parce que nous nous sommes aperçus que notre bonne camaraderie n’induisait pas que nous ayons les mêmes penchants littéraires. Autrement dit, nous nous rejoignons sur une certaine idée de la littérature, qui n’abdique jamais le style, ni l’exigence, ni l'ambition, mais pas nécessairement sur les mille et une manières qu’elle a ou peut avoir de s’incarner. Nous avons pensé que ce hiatus, qui nous est, à nous, agréable, pourrait également vous stimuler, vous, lecteurs, qui trouverez donc sur l’anagnoste deux regards qui se plaisent autant à converger et à diverger, et qui ne se donnent d’autre obligation que de témoigner, encore et toujours, de ce que la littérature a de plus vivant, et de plus nécessaire.


Éric Bonnargent & Marc Villemain