dimanche 25 septembre 2011

Cette semaine : Christian Gailly

Ils ne sont plus si nombreux, après tout, les écrivains qui savent allier avec quelque allure l'excellence et le succès populaire, la décence et la renommée. Aussi bien, la trajectoire littéraire de Christian Gailly semble pareillement insensible aux engouements conventionnels que son écriture, chaloupant entre poésie amère et prose espiègle, s’indiffère du vacarme ambiant. 

Christian Gailly est de ces auteurs dans lesquels on tombe. On y arrive toujours un peu par hasard, parce qu’on a entendu prononcé son nom, parce qu’on a croisé l’un de ses titres en devanture sans y prendre garde et qu’une petite voix nous a sitôt fait revenir sur nos pas, parce que quelque chose nous a touché dans les quelques portraits qu’on a de lui – une franche courtoisie dans le regard, une lointaine mélancolie dans la voix, et on imagine la belle lenteur d’une démarche, une certaine manière de s’effacer en battant les trottoirs de la ville ou en commandant un café en terrasse –, parce qu'enfin l'on se sent vite chez soi dans cet univers un peu las, presque défaitiste mais non dénué de solide ironie, où il vient lover ses histoires. On le lit, puis très vite on s'aperçoit que la bonne méthode pour le lire consiste à ne pas en avoir, qu'il faut se laisser faire, épouser l'incessant soliloque de ses personnages toujours un peu déphasés, friables, touchants de candeur ou d'inaptitude, leur manière d'étonnement devant le cours du monde ou la marche des hommes, leur écholalie muette.

Il est d’usage, à son propos, de s’en référer à deux traditions croisées : celle, pour aller vite, qui de Beckett aura hérité d’une certaine densité métaphysique, où le sens de l’épure fait figure d’éthique et l'élan vers l’absurde peut exprimer un certain embarras à vivre dans ce monde-ci ; celle du jazz bien sûr, disons d’un certain jazz, où j’entends, pour ma part, l’inapaisable aspiration individualiste et libertaire d’un Thelonious Monk s'entremêler au romantisme tenu d’un Bill Evans venant apaiser, mais jamais résoudre, son hyper-sensibilité au monde.

Trois des romans de Christian Gailly seront cette semaine au menu : Les oubliés (lundi), Un soir au club (mercredi), Lily et Braine (vendredi).
 

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