lundi 14 novembre 2011

Jorge Barón Biza, Le Désert et sa semence par Isabel Núñez et Éric Bonnargent

Encore une fois, la presse et les blogs, occupés à bavarder au sujet des mêmes livres, sont passés à côté de l’un des plus grands romans traduit et publié cette année : Le Désert et sa semence de Jorge Barón Biza. Sans doute est-ce une bonne chose tant les rares recensions que l’on trouve sur le net sont aussi bêtement superficielles qu’ignorantes des principes de l’orthographe et de la syntaxe (un bel exemple ICI). Les Éditions Attila paient ainsi leur politique promotionnelle saugrenue qui les conduit à s’associer avec des sites tels que Libfly dont les abonnés sont déjà déroutés par l’exigence des romans de David Foenkinos. Ce manque de discernement est regrettable car, qu’il s’agisse des illustrations de Lorenzo Mattotti, de l’originalité de la mise en page et même du type de papier, cette jeune maison d’édition a une nouvelle fois réalisé un travail éditorial d’une qualité exceptionnelle passé totalement inaperçu.
Pour découvrir ce livre venu d’Argentine, nous vous proposons deux critiques. La première, signée Isabel Núñez, écrivaine et critique espagnole, est parue le 07 novembre 2007 dans le « Cultura/s », le supplément littéraire de La Vanguardia suite à la sortie en Espagne du Désert et sa semence. Je signe la seconde et remercie Robert Amutio, l’un des traducteurs, de m’avoir fait découvrir cet étonnant roman.


Une douleur sourde
Isabel Núñez

René Magritte, Les Amants
Le narrateur, Mario, accompagne sa mère Eligia, qu’il appelle toujours par son prénom, à subir une reconstruction du visage, brûlé à l’acide par Arón, le père du narrateur, qui lui lança le liquide à la figure au cours d’une audience de conciliation pour leur divorce, avant de se suicider. Mère et fils voyagent vers l’Italie où un célèbre chirurgien reconstituera ses traits. Mario se promène à Milan, fait la connaissance d’une prostituée dont il deviendra l’amant, boit encore et toujours…Avec une distanciation que la lassitude et la violence interne ne peuvent occulter, il raconte l’évolution de sa mère et dépeint le XXe siècle argentin autour de scènes convulsives, ironisant sur la chance malheureuse et l’étroitesse d’esprit des uns et des autres, se rapprochant chaque fois davantage de son père écrivain, comme poussé par une sorte de fatalité.
Après avoir publié son roman d’autofiction, en plein succès auprès de la critique et du public, le journaliste et écrivain Jorge Barón Biza (Buenos Aires, 1942 – Córdoba, 2001) se jeta par la fenêtre du douzième étage, répétant ainsi le schéma familial inscrit dans son roman. Son père, écrivain, sa mère et sa sœur se suicidèrent en effet avant lui.
Un critique a associé Le désert et sa semence au genre du mal : il a comparé son protagoniste à ceux de Roberto Arlt, et ses personnages féminins à ceux de Cortázar. Cependant, le jeune narrateur arltien dans Le jouet enragé est plein de sensibilité, de vitalisme mélancolique et de rêves fous, bien qu’il ne trouve pas sa place en ce bas monde. Quant à elles, certes, les héroïnes de Cortázar montrent l’exil ou l’interrogation déconcertée d’un narrateur masculin, mais ce regard laisse place à l’empathie et au désir.
Ici, malgré la beauté de la destruction et l’heureuse idée d’associer symboliquement les ruines du visage maternel à celles de son pays, le ressentiment sourd et nonchalant éprouvé envers les femmes domine. Parfois seulement, l’auteur baisse la garde et laisse éclore un humour intelligent (le passage où il retranscrit des recettes de cuisine et oublie des ingrédients, par exemple, ou la tromperie faite aux fossoyeurs australiens, réinterprétant ainsi la culture classique) à travers les expériences émergeant des dialogues où la parole de l’étranger dans sa langue (le cocoliche) est traduite littéralement.
En littérature, l’angle de vue est souvent une clé de lecture et il s’avère intéressant d’adopter celui du malfaiteur, précisément parce que les faiblesses humaines, l’irrationalité et la folie sont les mines où puise l’écrivain. Je pense notamment à Crime et Châtiment de Dostoievski, au violeur de The Little Girl de Grace Paley ou à Sanctuaire de Faulkner, à Flannery O’Connor, à Jonathan Littel…
Sans doute y a-t-il ici une douleur sourde qui ne peut nous laisser indifférents, douleur dont l’expression est la littérature pure. Mais l’écrivain, bien que malade, doit contrôler sa matière même si elle demeure la seule chose qu’il maîtrise. Dans cette œuvre, le manque d’issue asphyxie le lecteur. La description obsessionnelle et sadique du visage défiguré de la mère pèse démesurément, tout comme les soins – parfois dangereux – apportés par son fils, ou cet alcool compulsif et désespéré qui présage les événements à venir.
Si la littérature implique une interrogation, la réponse est ici évidente et l’écrivain est le seul à l’ignorer ; ainsi, il montre du doigt la génétique, fait taire la relation maternelle et camoufle d’une part l’identification à la figure du père, d’autre part les raisons de sa colère contre les femmes, comme si le fatuum ou le nom de famille expliquaient son besoin de les détruire physiquement à coups de couteaux. Ce qui n'empêche pas à l'écriture étincelante de Barón Biza de briller de tout son éclat dans cette édition très soignée.

Traduit de l'espagnol par Mélanie Gros-Balthazard


Les Reconstructions impossibles
Éric Bonnargent

Arcimboldo, Flora
Lorsque le 09 septembre 2001, Jorge Barón Biza, alors âgé de 59 ans, se jette du douzième étage d’un immeuble de Cordoue (Argentine), il n’a publié qu’un seul roman, Le Désert et sa semence (1998). Ce saut dans le vide achève le cycle des suicides qui a emporté tout d’abord son père, puis sa mère et enfin sa sœur. En écrivant Le Désert et sa semence, un roman autobiographique, Jorge Barón Biza pensait certainement avoir réglé ses comptes avec sa famille. Son père, Raúl Barón Biza, millionnaire et écrivain pornographe, était un anarchiste qui a soutenu tour à tour différents partis et a été pour cela même emprisonné et même contraint à l’exil. Sa seconde femme, Rosa Clotilde Sabattini, de 20 ans sa cadette, était aussi une intellectuelle engagée et persécutée qui s’opposa notamment à Eva Perón. Le couple ne s’entendait pas et les enfants vécurent la plupart du temps chez l’un ou l’autre de leurs parents, en Argentine ou en Uruguay. Le Désert et sa semence débute par le récit de l’épisode le plus tragique de l’histoire de cette étrange famille : au cours de la dernière réunion devant sceller leur divorce, Raúl Barón Biza lance au visage de sa femme le contenu d’une bouteille de vitriol. Quelques heures après, il se tire une balle dans la tête…

Ce livre n’est cependant pas une autobiographie, mais bien un roman, une reconstruction par l’intermédiaire de la fiction d’un passé dont Jorge Barón Biza n’a jamais réussi à se défaire. Le Désert et sa semence n’est pas pour autant un roman suintant le pathos, loin s’en faut ! Enrique Vila-Matas prétend que Samuel Beckett disait de James Joyce qu’il était passé maître dans l’art de la distanciation. Sans doute Jorge Barón Biza aurait-il pu être son rival. Cet art se manifeste de différentes façons. Il est permis par la métamorphose de Raúl, de Rosa Clotilde et de Jorge en personnages : Aron, Eligia et Mario. La distanciation est d’abord sentimentale : lorsque Jorge Barón Biza évoquera le suicide de ses parents, il ne dira rien de son ressenti, mais décrira froidement la trajectoire de la balle à travers la tête d’Aron et celle, « est-ouest », du corps d’Eligia dans le vide. Mais c’est surtout grâce au ton décalé et tragiquement drôle utilisé par l’auteur que s’opère cette distanciation. La première page qui décrit les effets de l’acide sur le visage d’Eligia témoigne de cela :

« Dans les instants qui suivirent l’agression, Eligia était encore rose et symétrique, mais de minute en minute une convulsion agita les lignes des muscles de son visage, assez douce jusque-là, malgré ses quarante-sept ans et l’insolente rhinoplastie juvénile qui lui avait retroussé et raccourci le nez. […] Les lèvres, les rides des yeux et le contour des joues se transformaient à un rythme étranger à tout fonction : une courbe apparaissait là où il n’y en avait jamais eu, et correspondait à la disparition d’une ligne qui jusqu’alors avait constitué un trait particulier de son identité.
Le visage ingénument sensuel d’Eligia commença à se défaire de ses formes et de ses couleurs. Sous les traits originels se générait une nouvelle substance : non un visage privé de sexe, comme l’aurait voulu Aron, mais une nouvelle réalité, délivrée de l’obligation de ressembler à un visage.
[…] Ceux qui la virent tous les jours d’août à septembre, octobre et novembre 1964, eurent l’impression que la matière de ce visage s’était totalement libérée de la volonté de son propriétaire et pouvait se transmuter en n’importe quelle nouvelle forme, se teinter des nuances réservées aux crépuscules les plus intenses et s’élancer dans toutes les directions, tandis qu’au centre le joli nez, unique élément artificiel du visage antérieur, résistait encore. »

La déstructuration du visage d’Eligia est l’objet du premier chapitre. De l’incident à l’arrivée à l’hôpital tout d’abord, Jorge Barón Biza décrit avec une drôlerie étonnante le travail en surface du vitriol sur la peau de sa mère ainsi que les contorsions douloureuses qui agitent le corps de cette dernière. Peintre et botaniste de l’horrible, il s’intéresse ensuite aux effets secondaires de l’acide qui, après avoir brûlé la peau, continue plusieurs semaines durant d’agir de l’intérieur, déformant les contours et les couleurs du visage de sa mère qui semble être devenu un être vivant autonome, un palimpseste grotesque d’un tableau d’Arcimboldo :

« Pendant les premières semaines, rien ne fut stable dans sa chair. Alors que certains secteurs de son visage se vidaient, d’autres se boursouflaient, pareils à des fruits inconnues qui semblaient naître déjà mûrs, promettant un jus extrait des vides caverneux qui commençaient à béer à proximité de ces étranges floraisons. »

Le travail chirurgical de reconstruction sera fait en Italie, à Milan, où Eligia et Mario arrivent après un hilarant voyage en 1965. La mère et le fils ne retourneront en Argentine qu’en 1967. Avec un cynisme candide, Jorge Barón Biza décrit la vie hospitalière caractérisée par le « formalisme travesti en bonne humeur humanitaire » des personnels de soin qui est, somme toute, préférable à l’enthousiasme délirant des chirurgiens devant ce nouveau terrain de jeu qu’est le visage d’Eligia. L’un deux, féru d’alchimie (sic), lui déclarera en toute décontraction que puisque « vitriol » est l’équivalent alchimique de « cupidon », elle devrait considérer la reconstruction de son visage comme une chance. Le Désert et sa semence est d’ailleurs une méditation sur le visage et certaines de ses pages ne sont pas sans rappeler quelques-unes des plus belles réflexions d’Emmanuel Levinas à ce sujet. C’est parce que notre visage est constitutif de notre identité, qu’exceptée la mise à mort, il ne pouvait pas y avoir d’agression plus négatrice de l’autre que celle perpétrée par Aron qui se suicide parce que, ne serait-ce que symboliquement, il a tué Eligia.
Le visage de cette dernière symbolise tout ce qui, dans ce roman, a été détruit et doit être reconstruit. Le Désert et sa semence est le roman du chaos généralisé. Il y a tout d’abord l’Argentine dont le visage, défiguré par des forces insidieuses, est aussi grotesque que celui d’Eligia :

« À cette époque, l’Histoire faisait de nous, systématiquement, des clowns. Nous vivions des temps d’instabilité politique et les nouvelles se résumaient à un défilé de civils et de militaires, tous affublés de symboles du pouvoir et promettant châtiments ou paradis. Nous les voyions disparaître au bout de quelques années ou même de quelques mois, sans avoir rien accompli. […] C’est ainsi que je me fis très jeune une idée burlesque du mal. »

À Milan, la mère et le fils sont plongés dans un autre chaos, plus polymorphe encore. Contrairement aux grandes villes modernes sud-américaines, « rationnelles, uniformes et quadrillées », comme l’urbanisme espagnol colonial l’exige, Milan a des rues « capricieuses » dont les tracés suivent les aléas de l’histoire, longeant ici des remparts disparus, contournant là d’anciens entrepôts : « aucune direction n’était constante ; aucune référence, stable ; nul damier pour contenir l’ensemble. » Comme pour le visage d’Eligia, le chaos milanais n’est pas seulement apparent : les ombres du fascisme et de la bêtise l’agitent, comme le montrent les discours de ce père et de sa fille chez qui Mario dîne un soir, le premier étant nostalgique de Benito Mussolini et la seconde vantant les mérites conjugués de la psychanalyse et de l’astrologie. Milan montre les échecs de toutes les reconstructions possibles.
Eligia en repartira avec un visage certes réparé, mais toujours défiguré. Le pire des paradoxes étant que, comme elle ne l’apprendra qu’en 1971, reposait en secret dans une chapelle située à quelques mètres de sa clinique le corps momifié et donc figé dans son extraordinaire beauté d’Eva Perón, son ancienne rivale. Après avoir souffert sans jamais se plaindre des multiples interventions chirurgicales pratiquées pendant deux ans sur son visage, Eligia continuera de souffrir et se jettera dans le vide en 1978, comme pour achever la désintégration de son corps.
Mario, quant à lui, avait décidé de se défendre de la violence, de la colère et des ambitions familiales en se faisant champion de l’apathie. Milan aurait pu le faire renaître, mais, là encore, ce sera un échec. Passant ses journées auprès d’une mère qu’il n’appelle jamais « maman » et qui ne lui témoigne aucune affection, Mario est emporté par le chaos des nuits milanaises. L’alcool et les pires perversités sexuelles sont ses seuls refuges et lorsqu’une femme s’offre enfin sincèrement à lui, l’atavisme familial ressurgira sous forme d’un couteau… Contrairement à sa mère ou aux autres entités de ce roman, Mario refuse de se reconstruire et c’est pourquoi il refusera l’offre d’un vieux couple d’Australiens entrepreneurs de pompe funèbre de devenir leur héritier aux antipodes de Milan.

Dans les pays hispanophones, il a souvent été écrit que Le Désert et sa semence est un roman œdipien. C’est oublier les sarcasmes de Jorge Barón Biza contre la psychanalyse. De plus, ce n’est pas parce que nous sommes en présence d’un père, d’une mère et d’un enfant qu’il faut recourir la grille herméneutique freudienne. En outre, l’Œdipe se manifeste par l’amour et la haine. Or, ici, il n’y a qu’indifférence entre les protagonistes. Ce n’est, par exemple, ni par amour ni par devoir que Mario soigne sa mère, mais simplement « comme ça », sans y penser. L’absence d’amour est l’une des autres caractéristiques de ce livre et c’est pourquoi je ne crois pas non plus qu’il s’agisse, comme il l’a été aussi écrit, d’un roman misogyne. Les femmes y sont maltraitées et mal aimées, mais cela montre plutôt qu’aucune rédemption n’est possible, même par l’amour qui n’est finalement qu’une force destructrice comme une autre. Il n’y a rien à sauver, si ce n’est par l’écriture :

« Tôt ou tard je ne serai moi aussi qu’un texte ; je n’ai plus grand-chose à faire. J’écris ces lignes, et cette fragile impulsion est tout ce qui peut encore s’appeler, pour moi, « vie », « action » ou « possibilités ». »

Il y a d’ailleurs une grande importance accordée à la langue dont le lecteur se rendra compte par le travail réalisé par Jorge Barón Biza sur l’oralité. À ce sujet, il faut aussi souligner le travail des traducteurs pour rendre lisible en français le cocoliche ou le phrasé des paysans argentins analphabètes.
Le Désert et sa semence est un grand roman et si, selon les mots de Boris Vian, « l’humour est la politesse du désespoir », on peut dire qu’il s’agit d’un livre aussi drôle que désespéré.





Jorge Barón Biza, Le Désert et sa semence. Traduit par Robert et Denis Amutio. Éditions Attila. 19 €



8 commentaires:

  1. J'ai un peu d'honte que mon petit texte soit publié à coté du tien, qui est plus suggestif et intéressant. J'aime bien la connexion Levinas (!) et ce que tu as dit sur ce visage qui devient un être autonome, ce visage exposé et en transformation, ce visage de l'horreur qui sert comme métaphore d'Argentine en ruines. Mais comme tu sais déjà, je ne suis pas d'accord à cette indifférence, qui pour moi est seulement apparent: la froideur de la description est réussie, mais... Je vois bien que Baron Biza a fait un travail littéraire de distanciation pour pouvoir expliquer ce qui ne peut être expliqué, et ça c'est réussi, il a dit qu'il n'a pas pu avoir de l'humeur et qu'il a mis l'ironie dehors, dans l'entourage. Je crois qu'il déplace (un peu) sa haine contre sa mère vers toutes les femmes, et que cette haine est intense dans ce livre. Son rapport avec le père c'est aussi ambivalent, il ne peut pas éviter de se voire comme lui, dans une certaine manière, coupable par sa sympathie (et ça expliquerait son suicide, au fait). Il était sans doute un bon écrivain, mais le livre est plein de cette faillite, chargé de cette haine trop lourde qui brise l'équilibre... Bon, c'est ma façon de voir! La traduction de Mélanie c'est très bonne! Merci...!!!

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  2. "Le désert et sa semence", quel titre décidément... je le trouve extrêmement fort. Peut-être qu'au-delà de l'impossible reconstruction, il y a cette impossible incarnation dans un monde où tous les repères sont faillibles ? Hâte de le lire, merci à tous les deux. A.

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  3. You're welcome, Agathe.
    Je ne vois pas, Isabel, de traces de haines du narrateur envers sa mère... Il y a beaucoup d'indifférence entre eux, mais ni haine, ni amour. Avec le Père, je dirai, au mieux, qu'il incarne un risque, mais qu'il est tellement différent que ce risque est finalement bien mince. Maintenant, quand tu évoques le suicide De Jorge B.B., tu ne parles plus du roman, mais de la réalité. Là, c'est sans doute différent, mais nous n'en saurons jamais rien.

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  4. j'ai découvert ce livre ici, je suis en train de le lire. Il y a plus d'absence d'amour que de haine..L'écriture bouscule, c'est émouvant cette façon de se servir du rythme de la langue

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  5. Déjà ? Le travail sur la langue est remarquable, en effet. Il faut saluer le travail des frères Amutio qui sont d'excellents traducteurs.

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  6. Bon, je parlais d'un sentiment détourné vers toutes les femmes, mais... c'est vrai que chaque lecteur lit un livre différent. De mon premier livre de nouvelles quelqu'un m'a dit qu'il avait rit beaucoup et d'autre m'a dit que c'était si pessimiste et déprimant...
    Mais maintenant je viens d'une espèce de présentation-entretien entre Gonzalo Suárez et Enrique Vila-Matas, j'ai beaucoup rit, c'était vraiment amusante (et intéressante entretien sur le rapport pervers entre réalité et fiction) et je suis prête à tout comprendre...
    La langue est important certainement dans ce livre...

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  7. "Le visage se dévoile seulement par amour"

    Au travers de ma lecture, je n'ai pas ressenti de haine envers sa mère, ni toutes les femmes. "lorsqu’une femme s’offre enfin sincèrement à lui, l’atavisme familial ressurgira sous forme d’un couteau…", malheureusement pour elle, elle est celle qui lui a fait partager bons nombres de nuits milanaises, de coups bas et d'errance. La description clinique qu'il fait du corps de Dina est particulièrement froide, belle, celle d'un espace non détruit qu'il lui faudra marquer par le couteau. Le parallèle est évident avec les descriptions du chaos physique de sa mère (les paupières, les orbites, la chair). Je ne pense pas ce roman misogyne, juste la voix d'un fils qui n'a eu aucune place accordée par ses parents, frappé par l'horreur et l'indicible qu'il tient à distance comme il peut. Même s'il apprécie les paysages de son été italien, il lui faut les quitter. Comme il se doit de taillader Dina, ne pouvant supporter d'apercevoir la Beauté, qu'il sait tout aussi vaine que le reste. Puisqu'il y a l'os, le nerf, le vide, tout en-dessous.
    Il se doit de maintenir le corps à distance, être absent, pour peut-être cesser d'avoir peur en fermant les yeux. Je suis étonnée qu'il n'y ait pas plus de description d'odeurs, finalement la vue est le seul sens véritablement exploré, ainsi que l'intellectualisation des choses et événements. Circonscrire le délitement des chairs, des illusions, et des sentiments.

    Bref, une lecture subjective... Evidemment :-)

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  8. Isabel, j'aurais aimé vraiment assister à cet entretien dont vous parlez entre Vila-Matas et Suarez... Antoni Casas Ros souligne dans sa préface d'Atopia "comment le réalisme et la fiction ne sont qu'une même illusion"... thème chair/cher et riche s'il en est ;-)

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