Si rien ne bouge
Éric
Bonnargent
« Le
temps est une pute. »
Andy Warhol, Marilyn Monroe |
C’est
dans l’Abasto, un quartier populaire de Buenos Aires, que débute Comme on part, comme on reste. Écrasé
par son inertie naturelle, Meyer, le narrateur, est incapable d’entreprendre et
se contente de rêver sa vie.
Dans
la première partie, il n’est encore qu’un jeune homme travaillant à la
rédaction des sous-titres des films des Marx Brother lorsqu’il tombe amoureux
d’une comédienne débutante qui n’éprouvera jamais rien pour lui : « Notre relation, en fin de compte, obéissait
aux lois de son implacable indifférence et de ma douleur obsédante. » Après
son départ pour les États-Unis, Meyer sombre dans l’obsession : il passe
tous les jours devant la maison où elle habitait et lui écrit sans arrêt alors
qu’elle a cessé depuis bien longtemps de lui répondre.
« J’ai donc décidé que la meilleure façon de
lutter contre l’incertitude, où me plongeaient ses lettres qui n’arrivaient
pas, était d’alterner la destination des miennes : un jour à Beverly
Hills, le lendemain à Brooklyn. Autrement dit, du lundi au vendredi : Beverly
Hills, Brooklyn, Beverly Hills, Brooklyn, Beverly Hills. Samedi et dimanche, à l’adresse de
Brooklyn seulement parce que c’était de là qu’elle m’avait écrit sa dernière lettre. »
La
confusion de Meyer structure la deuxième partie où alternent des chroniques de
l’Abasto et de ses figures truculentes, comme Maradona, le mendiant
cul-de-jatte ou Juan, le chasseur de rats, des dialogues rêvés (ceux entre Marilyn Monroe et son Rabbin/psychothérapeute sont comico-métaphysiques) et des
confessions à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire. Lorsque le délire cesse,
les années ont passé, Meyer est à Brooklyn avec l’espoir de se réconcilier avec
son ex-femme, partie depuis trois ans. De nouvelles obsessions rythment sa
vie : sa promenade quotidienne le fait passer devant la galerie d’art où
elle travaille et, de retour chez lui, il imagine en travelling ou au ralenti leurs
retrouvailles et rédige des articles qui ne lui sont jamais payés. Incapable
d’agir, accablé par les dettes, il attend. Son Loubavitch de propriétaire et
son homme de main russe prendront son destin en main.
Bien
plus qu’un simple hommage à l’histoire du cinéma, Comme on part, comme on reste qui utilise dans son écriture et dans
sa construction différentes techniques cinématographiques est un premier roman à découvrir.
Mariano
Siskind, Comme on part, comme on reste.
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Frédéric Gross-Quelen. Éditions de la
Dernière goutte. 18 €
magnifique chronique qui donne vraiment envie de se plonger dans le monde de mariano siskind et son "comme on part, comme on reste" !!
RépondreSupprimermerci eric !!