vendredi 4 février 2011

Edgar Hilsenrath, Le Nazi et le barbier

Le temps des assassins 
Éric Bonnargent
 
George Grosz, The Grey Man dances (1949)
La lecture de Le Nazi et le barbier d’Edgar Hilsenrath est si jubilatoire qu’il faut remercier les jeunes éditions Attila d’avoir proposé une nouvelle traduction[1] de ce roman écrit en 1968-1969 et publié en 1971 aux États-Unis où il connut un succès considérable. Bien qu’étant de nationalité allemande et malgré ce succès, Edgar Hilsenrath a dû  attendre 1977 pour voir Le Nazi et le barbier publié dans son pays d’origine, chez un petit éditeur de surcroît. Il faut dire que les stigmates de la guerre étaient encore douloureux et les éditeurs allemands craignaient que les lecteurs ne fussent pas prêts pour lire un tel livre. Le Nazi et le barbier est en effet un roman singulier.

*

Singulier, il l’est tout d’abord parce qu’il est écrit du point de vue du bourreau, le répugnant mais sympathique Max Schulz. Celui-ci se présente ainsi dès les premières lignes :

« Je me présente : Max Schulz, fils illégitime mais aryen pure souche de Minna Schulz, au moment de ma naissance servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Mes origines aryennes pure souche ne font aucun doute, car l’arbre généalogique de ma mère, ladite Minna Schulz, sans aller jusqu’à la bataille d’Arminius, remonte au moins jusqu’à Frédéric le Grand. Tout de même. Je ne peux pas dire avec certitude qui était mon père, mais une chose est sûre, c’était l’un des cinq suivants :
HUBERT NAGLER, le boucher ;
FRANZ HEINRICH WIELAND, le serrurier ;
HANS HUBER, l’apprenti maçon ;
WILHELM HOPFENSTANGE, le cocher ;
Ou ADALBERT HENNEMANN, le majordome.
J’ai fait examiner en détail les arbres généalogiques de chacun de mes cinq pères, et je peux vous assurer que l’origine aryenne de chacun des cinq a été établie de manière irréfutable. »

Il est vrai que Jorge Luis Borges et Robert Merle avaient déjà adopté le point de vue du bourreau – le premier dans la revue Sur dès 1946 avec Deutsches Requiem[2] et le second avec La Mort est mon métier –, mais c’était pour mieux en dénoncer la turpitude. En 2006, Jonathan Littell avait suscité le scandale avec Les Bienveillantes qui relatait l’épopée meurtrière de l’officier SS Maximilien Aue. Bien qu’écrit par un Juif rescapé d’un ghetto, Le Nazi et le barbier était susceptible de provoquer un malaise, surtout en 1971, où la question de la prescription des crimes contre l’humanité était encore débattue[3]. Cette année-là, Vladimir Jankélévitch publiait Pardonner ?, un texte d’une grande violence exposant les raisons de son refus de pardonner non seulement aux bourreaux, mais au peuple allemand dans son ensemble.

*

Singulier, Le Nazi et le barbier l’est aussi par son style et son propos décalé. Edgar Hilsenrath écrit un peu comme Céline dans Mort à crédit ou dans Guignol’s band, les points de suspension en moins. L’outrance, la vulgarité, l’obscénité et le grotesque caractérisent le récit en six parties que fait Max Schulz de sa vie. Son surprenant parcours peut lui-même choquer. Fils bâtard de l’obèse et lubrique Minna Schulz, Max est, dès l’âge de huit mois, violé et battu par son beau-père, le coiffeur Slavitzki, « un type grand et maigre, les sourcils en broussaille, des yeux d’ivrogne affligés d’un léger strabisme, les cheveux dégoulinants de graisse, le nez osseux et, à croire la rumeur, une bite si longue qu’elle lui arrivait jusqu’aux genoux. » Son meilleur ami est Itzig Finkelstein, le fils du coiffeur rival de son beau-père, dont la maison devient son second foyer. Avec la famille Finkelstein, le petit Max apprend le yiddish, un peu d’hébreu, se rend à la synagogue où il récite, comme un Juif, les prières. Quelques années plus tard, il fera même son apprentissage au salon des Finkelstein, L’Homme du monde. Les années passent et sans que rien ne l’explique vraiment, Max Schulz se met à admirer cet homme politique qui, contrairement à son beau-père, « a une petite bite et est végétarien » : Adolf Hitler. La misère et la bêtise ont poussé le jeune homme vers cette idéologie à la mode : l’antisémitisme. Grâce à elle, Max Schulz a l’impression d’appartenir à une communauté.  Il s’engage dans les SA, participe à des pogroms, s’en prend à la famille Finkelstein et, lors de la Nuit de Cristal, incendie la synagogue où il avait l’habitude de se rendre quelques années auparavant. Il s’engage ensuite dans les SS. Pourquoi ? Parce que leurs uniformes noirs et leurs casquettes flanquées d’une tête de mort rutilante sont bien plus beaux et impressionnants que les uniformes bruns des SA.

On retrouve Max Schulz en 1945, après la défaite. Criminel de guerre recherché, il est réfugié chez Madame Holle, la veuve unijambiste de l’un de ses anciens camarades SS. Il lui raconte ses faits d’armes, d’abord dans la Einsatzgruppe[4] en Pologne et en Ukraine, puis dans le camp d’extermination de Laubwalde, en Pologne. Il aurait 10 000 assassinats à son actif… Alors que Jonathan Littell décrivait froidement l’horreur, Edgar Hilsenrath décrit l’ignoble de manière burlesque :

« Max Schulz hocha la tête. Il reprit une Camel, l’alluma, caressa le moignon de la femme vieillissante, caressa la touffe triangulaire et grise, tira un peu dessus, se gratta, se gratta le derrière et pensa encore une fois : tiens, ça ne me démange plus… c’est fini tout ça. « Nous avions différentes méthodes, dit Max Schulz. Des fois les prisonniers devaient se tenir debout devant la fosse, en ligne, les yeux dans la fosse, et on leur tirait dans le dos. D’autres fois ils devaient nous regarder en face, et on les abattait de face. De temps en temps, on les faisait sauter dans la fosse, on leur ordonnait de s’allonger et on les abattait d’en haut. Ça, c’était la spécialité à moi. Du haut vers le bas. Du bord de la fosse. Les vivants devaient s’allonger sur les morts et ainsi de suite. Du coup, ça ralentissait la cadence, car fallait les tuer les uns après les autres. » »


Il raconte également son épopée tragicomique de fugitif après l’abandon du camp par son unité à cause de la progression de l’Armée Rouge. Cette dernière ayant été massacrée par les partisans polonais, il a passé l’hiver chez une vieille femme qui, en échange de sa protection, lui a infligé d’incroyables sévices. Le bourreau est à son tour torturé. Le récit de ce séjour est sans doute l’un des passages les plus drôles et les plus écœurants du livre. Maintenant en sécurité et en possession d’un sac plein de dents en or ramené de Laubwalde, Max Schulz peut envisager l’avenir : se faire faire un râtelier et démarrer une nouvelle vie.
Pour ne pas se faire prendre, Max Schulz décide cyniquement de prendre l’identité de son ancien camarade : Itzig Finkelstein. Aucun risque que celui-ci proteste, Max l’a lui-même abattu, ainsi que toute sa famille… Max se fait circoncire, se fait tatouer un numéro de déporté d’Auschwitz, se fait enregistrer comme survivant et, grâce à son stock de dents en or, se lance dans le marché noir et devient l’amant d’une comtesse vénale et… antisémite. Devenu Juif, il a à subir le racisme méprisant de l’entourage de la comtesse et de ses clients qui pensent, sans oser le dire, qu’il aurait dû être gazé. Un ancien SS, victime de l’antisémitisme ordinaire ! Cet antisémitisme, il est contraint de le subir pour deux raisons : pour ne pas se faire prendre, mais aussi parce qu’il sait très bien qu’il est inutile de discuter avec des antisémites :

« Un antisémite, c’est comme un cancéreux. À un stade trop avancé, ça ne sert à rien d’opérer. »

Se sentant agressé dans sa « dignité humaine » (sic), Max Schulz se met à apprendre l'histoire juive, étudie la Bible et devient un tel apologiste du Judaïsme qu’il fait remarquer à la comtesse, lui, le génocidaire, que « les fondements de la civilisation occidentale reposent sur les épaules de grosses têtes juives ». Il se sent si Juif, il est si Juif qu’il finit par quitter l’Allemagne pour la Palestine. Sur le bateau, lui à qui il est arrivé d’injecter du phénol dans le cœur d’enfants juifs, est chargé de leur faire des injections de vitamines… Sioniste convaincu, Itzig Finkelstein milite pour la création d’un État juif afin que son peuple ait une armée et ne se laisse plus maltraiter. Employé dans un salon de coiffure, son militantisme bouffon le conduit à intégrer une organisation terroriste indépendantiste, puis la Haganah, l’armée clandestine juive luttant contre les Anglais. Après la création d’Israël, il participe allègrement à la guerre d’indépendance dont il devient l’un des héros après que son unité, malgré les ordres, a atteint la Mer Rouge. L’ancien sergent SS est maintenant le sergent de l’armée israélienne le plus célèbre et il en est « vachement fier »… Devenu propriétaire de son salon, Itzig Finkelstein est un patriote israélien exemplaire qui combattra aussi pendant la guerre du Sinaï et qui se mariera avec Mira, une survivante d’Auschwitz, devenue « une machine à bouffer ».
Itzig Finkelstein sera-t-il démasqué ?

*

De nombreux critiques ont loué la force comique de cet étonnant roman. Pourtant, si Le Nazi et le barbier est un grand roman, c’est parce qu’il ne se réduit pas à une farce célino-rabelaisienne. La dernière singularité de ce texte réside dans la force de ses idées ; des idées passées trop inaperçues dans les critiques que j’ai pu lire, critiques qui se contentent des habituelles généralités sur la Shoah.

Tout au long du Nazi et le barbier, Edgar Hilsenrath s’empare des a priori antisémites et s’en joue allègrement. Dans Réflexions sur la question juive, Jean-Paul Sartre montre à juste titre que le Juif n’existe pas, qu’il n’est qu’une création de l’antisémite. Chaïm Finkelstein, le coiffeur chauve, n’a pas le nez long et crochu, n’a pas les pieds plat, n’a même pas des yeux de grenouilles et son fils, Itzig, est blond aux yeux bleus. Max Schulz, lui, a les cheveux noirs, le nez crochu, des yeux de grenouille, les lèvres charnues, les dents pourries et les pieds plats… Le Juif et l’Aryen sont de purs fantasmes. Adolf Hitler, un petit homme brun, commande la Shoah et Max Schulz l’exécute au nom de la race aryenne… Edgar Hilsenrath montre avec un humour forcené que ces préjugés sont si prégnants que la communauté juive elle-même a fini par y croire ! Max Schulz sait que sa physionomie va l’aider à prendre l’identité de son ami d’enfance et, lorsqu’il passe devant la commission chargée de recenser les survivants des camps, on le dispense d’apporter des preuves (parler hébreu, réciter des prières, etc.) ; son physique suffit…



Le Juif de l’antisémite est aussi un suppôt de Satan. L’ignorance et la bêtise culminent lors de la cérémonie de circoncision du jeune Itzig : les servantes du quartier imaginent qu’il s’agit de sectionner la verge de l’enfant qui, grâce aux formules magiques de ce sorcier qu’on appelle le rabbin, repoussera « plus grosse et plus vigoureuse ». Il s’agit là d’un antisémitisme ordinaire et populaire qui ne conduit pas forcément à la haine, mais qui la laisse se développer. Il caractérise une population qui a laissé se commettre l’irréparable et c’est pourquoi il est tout aussi dangereux que l’antisémitisme haineux d’un Slavitzki qui, lui aussi, s’engagera dans les SA. D’où vient cette haine ? De la jalousie, de la volonté de trouver un responsable à ses propres échecs. Slavitzki est un mauvais coiffeur et ne supporte pas la réussite de Chaïm Finkelstein. Si tous les Juifs du quartier se font couper les cheveux chez lui, ce ne peut être qu’à cause de l’entraide qui caractérise la communauté israélite. Et si tous les Chrétiens vont également se faire couper les cheveux à L’homme du monde, c’est parce que Chaïm Finkelstein leur a jeté un sort…
Edgar Hilsenrath propose aussi de manière implicite une compréhension du nazisme assez originale pour l’époque. Dans l’opinion, le Nazi est d’autant plus monstrueux qu’il n’est pas seulement un assassin, mais aussi un esthète. Pour l’auteur, les Nazis ne sont que de sinistres clowns. Max Schulz n’a rien à voir avec le caricatural Max Aue des Bienveillantes. À cet égard, le point de vue d’Edgar Hilsenrath n’est pas très éloigné de celui défendu par Hannah Arendt dans Eichmann à Jérusalem. La philosophe a fait scandale (et cela a sans doute joué sur la réticence des éditeurs allemands au sujet de Le Nazi et le barbier) en montrant qu’Adolf Eichmann n’était pas un monstre, mais un type ordinaire. Elle en déduisit qu’« il y en avait beaucoup qui lui ressemblaient et qui n’étaient ni pervers ni sadiques, qui étaient, et sont encore, effroyablement normaux. » Un SS, et c’est peut-être cela le plus effrayant, n’est pas un monstre, mais un homme comme les autres. Dans Si c’est un homme, Primo Levi défendait déjà cette idée :

« Ils étaient faits de la même étoffe que nous, c’étaient des êtres humains moyens, moyennement intelligents, d’une méchanceté moyenne : sauf exception, ce n’étaient pas des monstres, ils avaient notre visage. »

Edgar Hilsenrath va même plus loin : pour un grand nombre, les bourreaux n’étaient même pas antisémites ! Cela ne les excuse en rien, bien au contraire ! Lorsque Max Schulz, devenu Itzig Finkelstein, est victime de l’antisémitisme ambiant, il est vraiment scandalisé :

« Moi, Itzig Finkelstein, à l’époque encore Max Schulz, je n’ai jamais haï les Juifs. »

Dans son passé nazi, il s’en est pris aux Juifs comme il aurait pu s’en prendre à n’importe qui, aux gros, aux nains… Max Schulz est juste un abominable bouffon et c’est pourquoi il peut sincèrement devenir Juif et sioniste militant.
Parce qu’il n’a jamais été antisémite, il peut aussi constater l’hypocrisie qui se développe en Allemagne par sentiment de culpabilité, culpabilité qui n’existe que parce que les Nazis ont perdu la guerre. Le philosémitisme n’est que l’autre face de l’antisémitisme. Comme Itzig/Max le fait remarquer, les associations d’aide aux Juifs auraient mieux fait de se préoccuper du problème avant guerre… Aux yeux de certains, le Juif est devenu sacré et, dans son hôtel, tout le monde lui cède cérémonieusement la place à la douche ou aux W.C. Ces manifestations de la culpabilité allemande sont certes pitoyables, mais elles ne sont pas aussi révoltantes que les débats sur le nombre de victimes de la Shoah :

« Dites, à propos des six millions de Juifs, demanda Madame Holle. C’était dans le journal. C’est Willy qui me l’a dit. Rien que des bobards, pas vrai ?
— Je n’en sais rien, dit Max Schulz.
— Je parie qu’il n’y en avait pas plus de DEUX millions.
— Je n’en sais rien, dit Max Schulz.
— Ou TROIS, ou QUATRE. Peut-être CINQ à la rigueur. Mais sûrement pas SIX !
— Je n’en sais rien, dit Max Schulz.
— Vous pensez… que SIX, ça se peut ?
— Peut-être, dit Max Schulz. Ça se peut. Je ne les ai pas comptés. »

S’il n’y avait eu que deux millions de morts, l’horreur aurait-elle été moindre ? Les coupables auraient-ils été moins coupables ?
Ces questions en entraînent une dernière qui est au cœur de Le Nazi et le barbier : celle de la punition. Dans sa coquette petite maison de Beth David, Itzig/Max propose une parodie de procès à son ami le juge La Schüsstiß (sic). Quelle peine mériterait Max Schulz ? Le principe de la justice est qu’il doit y avoir une juste proportion entre le crime et le châtiment. Or, quel châtiment infliger à l’assassin de 10 000 personnes ? Pour que justice soit faite, il faudrait le pendre 10 000 fois de suite, ce qui est impossible. La pendaison simple, elle, est dérisoire : elle ne saurait satisfaire les victimes. Dans Pardonnez ?, Jankélévitch écrivait que la Shoah est un crime si énorme qu’il est par nature « inexpiable ». Le juge La Schüsstiß est lui aussi bien obligé de reconnaître qu’Itzig/Max a raison : « aucun châtiment n’apaisera mes victimes. » La justice des hommes étant impuissante, Itzig/Max propose que le sergent SS Max Schulz soit acquitté et La Schüsstiß ne peut que lui donner raison. L’impuissance de la justice est telle que, la plupart du temps, elle laisse faire et évite de faire comparaître les coupables :

« La plupart des génocidaires courent toujours. Certains sont à l’étranger. La plupart sont retournés au pays, comme au bon vieux temps. Vous n’avez pas lu les journaux ? Ils se portent à merveille, les génocidaires ! Ils sont coiffeurs. Ou autre chose. Beaucoup ont leur propre commerce. Beaucoup possèdent des usines, sont de gros industriels. Beaucoup se sont remis à la politique, siègent au gouvernement, sont respectés, considérés, ont une famille. »

La faillite de la justice humaine ne laisse qu’un recours : se retourner vers une justice divine. Mais Dieu peut-Il juger ceux qu’Il a laissé faire ? Pourquoi n’est-Il pas venu en aide à son peuple ? La Shoah n’était-elle pas suffisamment ignoble pour qu’Il intervienne ?[5]

« Dieu n’est pas à la hauteur. Qu’a-t-il fait quand ses enfants tombaient dans les charniers comme des quilles ? Quelle armée a-t-il levé pour les sauver ? Des vers de terre ! […] Et qu’a fait Dieu pour les autres qui partaient en fumée ? Seuls les nuages ont eu pitié d’eux, et peut-être la pluie, qui leur a permis de redescendre. »

Dieu n’est-Il pas tout aussi coupable que les tortionnaires ? La question sera soulevée de manière étonnante dans les dernières pages du livre.

*

Le Nazi et le barbier est certes une farce, mais il ne peut se réduire à cela. Certes, Le Nazi et le barbier est un livre drôle, mais le rire est une provocation adressée aux lecteurs : n’avons-nous pas honte de rire des pitreries de Max Schulz ? Ce roman, sous des airs légers, nous oblige à nous souvenir, s’adresse à notre devoir de mémoire, devoir parfaitement défini par Vladimir Jankélévitch dans Pardonnez ? :

« Dans l’universelle amnistie morale depuis longtemps accordée aux assassins, les déportés, les fusillés, les massacrés n’ont plus que nous pour penser à eux. Si nous cessions d’y penser, nous achèverions de les exterminer, et ils seraient anéantis définitivement. Les morts dépendent entièrement de notre fidélité… »






Edgar Hilsenrath, Le Nazi et le barbier. Traduction de Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb. Éditions Attila. 2010. 23, 5 €











[1] Une première traduction avait été publiée en 1974 par les éditions Fayard.
[2] In l’Aleph.
[3] En France, la loi sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité est votée en 1964, mais ne sera définitivement entérinée qu’en 1976.
[4] Constituées de SS, les Einsatzgruppen étaient des unités mobiles d’extermination. Créées par Reinhard Heydrich, elles étaient chargées de l’extermination des Juifs, des Tsiganes, des handicapés, etc. Elles sont responsables de ce qu’on appelle la Shoah par balles.
[5] Le Nazi et le barbier pose à nouveau la grande question de savoir si la présence du mal est compatible avec l’existence de Dieu. Beaucoup de croyants se réfugient dans le non-argument selon lequel « les voies du Seigneur sont impénétrables » et d’autres parlent d’une « punition ». Mais quel est ce Seigneur qui a pu rester impassible face aux horreurs commises ? Certains parlent d’une « éclipse de Dieu ». Je crois qu’il n’y a que deux solutions, ou bien Dieu n’existe pas, ou bien, comme le fait remarquer Hans Jonas dans Le Concept de Dieu après Auschwitz, il faut revoir la définition qu’on Lui donne car la toute-puissance et l’infinité bonté sont inconciliables.

3 commentaires:

  1. Je n'ai que cette version tant pis pour Karajan et Merci
    http://bit.ly/bXbB6a
    (n'écoute pas sur ton mobile-c'est l'entier du CD)
    et je repense à Steiner et son "Treblinka"

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour, un petit passage par ici pour vous signaler que la première adaptation théâtrale du roman "Le Nazi et le Barbier" se jouera à partir du 6 janvier 2013 à la Manufacture des Abbesses à Paris.

    Et pour être tenu au courant
    https://www.facebook.com/pages/Le-Nazi-et-le-Barbier/287715698000005?ref=hl

    RépondreSupprimer
  3. Super article ! on apprends vraiment pleins de choses ! C'est marrant mais j'ai raconté cette histoire à mon coiffeur barbier bordeaux et même lui la connaissait :)

    RépondreSupprimer