Mourir tantôt
Marc Villemain
Crédits photo : Marc Villemain |
Éditions Arléa |
On pense à Pierre Michon, à Richard Millet – quoiqu’il en manque, ici, la puissance narrative : cette manière de ressusciter l’inerte, de faire sourdre l’émotion sous les mots et les gestes les plus prosaïques, de trouver l’humain là où ne semblent se manifester que l’instinctuel, le physiologique, l’archaïque, d’aller le chercher là où le secret, le persiflage et la bigoterie constituent le lot commun de la communauté ; cette manière d’émouvoir le plus ordinaire. Car la paysannerie est ainsi faite qu’elle ne livre rien d’elle-même : toute affectation est impudeur, toute franchise scandale, toute liberté impertinence. Et puis il y a du corps dans ce récit, beaucoup de corps, et ça fleure bon le laurier-sauce, et coulent le vin « tout juste supérieur » ou « la gnole bien sauvage, pas même domestiquée par la barrique en chêne, l’âpre pissot qui goutte au canon de l’alambic et sent le propre, le nettoyant à décrasser les vitres, à restaurer la lumière », et le fumet des labours ou du lapin qui mijote se déverse comme le cri des poules et des enfants, et à la grisaille du petit matin fait contrepoint le grand soleil de quatre heures, celui qui « brille à plein cuivres et ors. » C’est une région tellurique où les vivants ne le sont pas moins, et c’est à cette terre secrète et sans histoire que s’attache Lionel-Edouard Martin, dans un récit qui ravira ceux, peut-être moins nombreux aujourd’hui, qui goûtent davantage à un style, à un rapport à la langue plutôt qu’à une intrigue ; il faut dire que l’auteur est surtout connu pour être poète, et que l’intrigue, dans la poésie, est le langage même.
Article paru dans Le Magazine des Livres, n° 3, mars/avril 2007
Je connais bien le Poitou, je disais : une terre large, lénifiante.Les horizons sont loin.
RépondreSupprimerLa photo m'a remis en mémoire d'un coup des étés secs,des ballades à dos de mulet sur des chemins blancs : )
Là bas, aller "à chaille" c'est aller quelque part.
Je note ce livre dans ma liste de courses.
Si en plus il n'y a pas d'intrigue.
Alors vous tombez bien : le Poitou traverse chaque livre de Lionel-Édouard Martin. Allez donc à chaille, vous verrez : ce n'est pas n'importe où...
RépondreSupprimerMerci d'être passée par ici.
Marc V.