lundi 7 mai 2012

Marie-Hélène Gauthier, La Poéthique

Les petits cailloux
Éric Bonnargent

Jaume Plensa
Dans sa belle préface, Thierry Gillybœuf à parfaitement défini le projet de Marie-Hélène Gauthier :

« Le grand tour de force de Marie-Hélène Gauthier est, intrinsèquement, par-delà les connivences et les échos de ces trois œuvres, de s’être livrée à leur lecture par le crible de la tradition antique – et notamment dans ses conceptions de l’amour, de l’amitié et de la sympathie – qui résonne encore dans la pensée contemporaine, en matière d’éthique ou de conception de la pensée, y compris quand elle est créatrice. »

La Poéthique n’est ni un ouvrage de philosophie ni un essai de critique littéraire, mais plutôt un livre audacieux. S’il est vrai que Marie-Hélène Gauthier enseigne la philosophie à l’Université, elle est avant tout une amoureuse des lettres et c’est moins à travers le prisme du concept qu’avec sa sensibilité philosophico-poétique qu’elle aborde trois grands écrivains à peu près oubliés : Paul Gadenne, Henri Thomas, Georges Perros. Son objectif ne se réduit pas à révéler les arcanes de l’œuvre de ces auteurs, il interroge plutôt les « inquiétudes éthiques et métaphysiques » qui en sont à l’origine. Pour mieux les cerner, Marie-Hélène Gauthier opère un détour par la pensée antique.
En analysant les différentes philosophies de l’amitié, Marie-Hélène Gauthier montre qu’à ce sujet, un tournant s’est opéré avec les Stoïciens : la sympathie avec les êtres et les choses ne peut plus se faire à l’aide « de la sensibilité naturelle et instinctive » qui sera si chère à Rousseau, mais à l’aide de la raison. Avec les Stoïciens « la sympathie des actes sensibles », analysée chez leurs prédécesseurs, est oubliée au profit de « la sympathie paradoxale des raisons ». À partir de là, la philosophie, considérant la sensibilité comme source de tous les désaccords, se tourne peu à peu vers l’abstraction, vers l’aridité des systèmes si caractéristiques de la modernité. L’expérience vécue est ainsi laissée de côté. Pour qui veut comprendre les hommes, il faut donc se détourner de la philosophie et revenir à la littérature car « c’est dans la sympathie littéraire que l’essentiel de la condition humaine rend le son le plus pur, le moins individuel, le plus proche de la sagesse en somme. »
Avec audace et modestie, Marie-Hélène Gauthier propose alors « une hypothèse de lecture simplement plausible » : montrer l’influence de la philosophie grecque dans la genèse de l’œuvre de ces trois grands écrivains. Que ce soit chez Gadenne, chez Thomas ou chez Perros, il y a, à l’origine, une même impression de désappartenance et de solitude :

« Perros est né sous le signe du refus de la vie, de l’inadéquation au monde et aux autres. »

Ce sentiment d’inquiétante étrangeté que j’ai nommé atopia à propos d’autres auteurs est vécu comme un déchirement. Écrire, c’est se replier sur soi pour mieux se retrouver (Henri Thomas écrit ainsi dans Le Précepteur : « J’écris un peu pour me délimiter, afin de ne pas me fuir de toutes parts ») et répondre à « un appel nostalgique à l’unité » avec le monde et les autres. Ce souci de l’autre à la source de l’acte créateur est ce que Marie-Hélène Gauthier appelle la poéthique :

« Ils sont là, dans l’écriture, parce qu’ils ne peuvent être ailleurs, avec cette exigence de fidélité à soi-même, au monde et aux autres, que rien d’autre ne pouvait plus leur permettre de tenir. »

Au-delà des idées qui leur sont propres, au-delà de leurs autres influences et même au-delà de leurs styles, il y a chez ces trois écrivains une préoccupation commune qui les relie aux sources de la pensée occidentale, à la sagesse grecque. Pour comprendre les enjeux de ce livre, il faut donc le lire dans son intégralité et c’est pourquoi la critique de La Poéthique réalisée par mon camarade Juan Asensio à partir de la lecture d’un seul chapitre, celui consacré à Paul Gadenne, est nulle et non avenue. Une lecture incomplète de cet ouvrage ne permet pas d’en comprendre les enjeux. Marie-Hélène Gauthier n’a pas écrit un livre pour les spécialistes et les érudits, elle ne prétend pas être exhaustive mais propose une lecture singulière que les amoureux de la philosophie et des lettres feront avec elle, pour leur plus grand plaisir.





Marie-Hélène Gauthier, La Poéthique. Paul Gadenne, Henri Thomas, Georges Perros. Éditions du Sandre. 39 €

3 commentaires:

  1. Tu ne sais pas lire, camarade, et en plus tu ne sais visiblement pas compter : il y a sept chapitres dans ce livre (je tiens compte de l'introduction et de la conclusion). 7-2 = 5. J'ai lu cinq chapitre sur 7 de ce livre, bien assez pour en juger le projet et l'écriture.

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    1. Oh c'est chouette on peut commenter ici. Je vous trouve Mr Asensio bien prétentieux pour quelqu'un qui prétend traquer le pompeux. Et je noterais que lire une introduction ne vaut que si l'on sait y plier sa colère.

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  2. Anonyme

    Main courante 4 : Notre "bête" est une "âme" féroce, permutation.

    Proposition d'Augustin : l'âme est difficile à connaître à cause de ce qui a été ajouté. Jean-Louis Schefer.

    Curieux détour : Origène (Homélie sur les Nombres) note que les abeilles bourdonnantes sont l'image de la prolifération d'interprétations des Écritures, l'incessant tissu dans le texte du vrai et du faux. Idée sublime d'Origène : les Écritures bourdonnent à l'annonce de la venue d'un dieu nouveau. Jean Louis Schefer,
    ... où l'on trouve bien une Bérénikè qui n'est autre que la femme hémorroïsse que le contact du manteau du Seigneur guérit de son écoulement du sang. p 140.

    Bartleby, Baleine, Blanc-seing, matière à construire et déconstruire, un Maudit Bic.

    Les anonymes ne savent pas que la nouvelle génération est née avec clef USB en main et qu'en 4 touches de clavier, c'est-à-dire en 2 temps 3 mouvements, elle est capable de débusquer l'anonyme sur internet. D'après ce que j'ai compris sur Strass de la phi ou homophonie de ce qui suit : Face de la scie, le google nous prépare une identification de l'image comme pour les mots, une ritournelle visagiste moderne, ce sera comme les caméras dans Paris dans Un homme qui dort de Bernard Queysanne et Georges Perec. Les yeux d’Œdipe (inutiles, sauvés) quand le google, face au monde, saura voir et nommer, Frédéric Metz, édition Pontcerq : http://frontdactionstupide.net/wp-content/uploads/2012/04/Leyeuxdoedipe.pdf

    Anonyme

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