Mourir de ne pas mourir
Marc Villemain
Éditions Fayard |
En refermant ce livre, on pressent qu’il s’agira du dernier : rien, dans cette parole, ne semble en relation directe avec ce qu’il convient d’appeler une démarche littéraire. Le souffle de l’amour, la nécessité de l’exorciser (et d’exorciser, au passage, « l’implacable cruauté de cet engin de terrassement qu’est la machine gériatrique ») semblent éloigner l’écriture de toute volonté de maîtrise et de toute ambition stylistique – toujours plus ou moins entachée du soupçon d’esthétisme. Sans doute est-ce le propre de tout écrivain que de nous le faire accroire. Mais c’est qu’ici chaque mot est comme une pièce arrachée au rocher d’amour où il a fallu la prélever. « Comme je suis né d’elle, je mourrai d’elle » : ce n’est pas là parole en l’air. Car c’est sa propre mort que Bernard Clesca préfigure, et, autant le dire, espère, en racontant celle de sa mère – cette mort « regardée, approchée, embrassée, accompagnée des mêmes paroles d’amour que de ton vivant ».
Le travail critique oblige à dire que les saillies contre « l’horreur hospitalière », aussi viscérales, blessées, et sans doute salutaires soient-elles, affectent parfois un récit que l’on aurait peut-être préféré mû par la seule désolation d’un amour désormais sans partage possible. Mais on pensera aussi le contraire : que, précisément, la charge, rude, portée contre le système gériatrique, n’est que l’autre manière, la colérique, la révoltée, de dire toujours la même chose : le sentiment de l’injustice suscité, non par la mort en soi, mais par « l’égocentrisme des vivants », lequel « s’accompagne souvent d’indifférence envers leurs défunts et d’ironie pour ceux de leurs proches qui s’adonnent à un rituel de mémoire » ; et, au bout du bout, redire l’éternité d’un amour par-delà vie et mort, fût-il « face à notre tombe ».
Article paru dans Le Magazine des Livres, n° 2, février/mars 2007
Article paru dans Le Magazine des Livres, n° 2, février/mars 2007
sur la séparation inconsolable d'avec La Mère, il y a quand même ce petit texte-là, d'un certain Marcel P...
RépondreSupprimerNaturellement ! Je voulais juste souligner, un peu rapidement il est vrai, l'importance quantitative de la production littéraire ayant trait à la relation père/fils.
RépondreSupprimerL'article donne envie de lire ce livre...Sur la perte de la mère, on trouve aussi le "journal de deuil" de Barthes, inédit publié il n'y a pas très longtemps et plein d'un désespoir entier qui fait aussi par avance la nique à tout ce qu'une certaine pyschanalyse aurait immanquablement à en dire...
RépondreSupprimerAh on m'avait parlé de cet inédit de Barthes, oui, il faudra que je m'en enquière. Merci !
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