jeudi 10 octobre 2013

Lorenzo Pestelli, Le Long Eté

A la recherche du contre-voyage
Zoé Balthus
 Loc Thuong Binh Dinh - Sud Vietnam - Une mère et ses enfants fuient les bombardements américains - Septembre 1965 (c) Kyoichi Sawada photo-reporter japonais, prix Pulitzer en 1966, mort au Vietnam en 1970
Publiée en 1970, Le Long été du Suisse Lorenzo Pestelli est une oeuvre cousue de piécettes, notes de voyages, scories, poèmes, récits et autres lettres, fiction et autobiographie mêlées, écrite au fil des heures, le long de sa route, parcourue à rebours du soleil, à travers l’Extrême-Orient, parfois avec son épouse Michène et leurs deux petites filles.

Son compatriote et précieux ami Nicolas Bouvier, - les deux hommes s’étaient rencontrés à Kyôto en 1966 - l’aida à faire publier ses premiers ouvrages, et lui consacra par ailleurs deux beaux textes parus dans la presse suisse dont un hommage posthume, un an après sa mort dans un accident aux portes de Marrakech en 1977. 

En outre, Bouvier rédigea la préface de ce livre de voyageur, qu’il comparait à « ces sommes du Moyen-Âge », sorte de Thesaurus pauperum (trésor du pauvre) écrit par « des gueux érudits et vagabonds qui avaient noms Brunet Latin ou Barthélémy L’Anglois […]». Il invitait d’ailleurs à « puis[er] dedans sans vergogne, l’expérience enseigne qu’on est toujours un peu plus pauvre qu’on ne le croyait. »

L’ami concluait en effet son texte en se réjouissant, avec la simplicité qui le caractérisait, de l’existence du Long Eté :  « Il est là, c’est l’essentiel, et c’est un livre important.»

Aux yeux de Pestelli, il s’agissait d’un Itinéraire poétique et politique divisé en dix-sept heures solaires qu'il ouvrait en citant Henri Michaux, pauvre Barbare en Asie et Victor Segalen, médecin-poète-écrivain-aventurier en Chine, dont le Suisse avait retenu en particulier cet éloquent extrait d' Equipée :
« Quant au Réel, il triomphe avec brutalité. Le coup de plongée a réussi. J’ai brutalement étranglé ma peur du Réel. Je m’en suis allé au-delà.»
Nous ne pourrions jurer que le coup de plongée aura réussi à Pestelli, même s’il est clairement passé au-delà du réel, Le Long Eté en témoigne de bout en bout, mais la peur du réel n’aura probablement pas tout à fait disparu. Il est aisé de deviner au fur et à mesure de sa lecture qu'il en conserva certaines angoisses, angoisses de ce qui lui échappait cruellement, comme le temps. Mais pas seulement.
« Apprendre à dominer le temps. […] Ainsi le but de Long Eté sera de m’apprendre à dominer le temps. »
Pestelli venait d'atteindre trente ans. C'était un jeune homme révolté, enragé parfois, en dépit d'une extrême intensité de tendresse et de générosité affective qu’il recouvrait sans cesse d’une sorte de rancœur, comme un rare velours de soie dissimulé sous une grossière toile de chanvre. Pareille, son encre était de miel mais coupée de fiel réparti ici et là, avec science et régularité. Il savait doser. 

Il faisait l'effet d'un homme blessé que rien ne consolait de l’obscure origine de sa naissance ni de celle du monde. De ses écrits suintait une souffrance infligée dans l’enfance dont il ne guérit jamais. Le lointain où il était parti se réfugier dans l’espoir de se trouver lui-même, en paix, ne l’y aida point. Il ne dévoilait rien, sa douleur demeurait pudique, affleurait seulement au détour d’une pensée, d’une vision, d’une rencontre, remontant de quelques confins intimes comme des gouttes de sang perlent, au moindre contact, à la surface d’une plaie impossible à cicatriser. 
« Il y a une prison en moi dont les murs, plus encerclants que la mer elle-même, ne se briseront pas en dépit des voyages… »
A l’Heure japonaise, dans un texte intitulé Des melons pour Fukuyama, Pestelli disait écrire pour ceux qui ne le liraient pas, « pour les yeux couverts de buée, pour les paupières brisées, pour les somnolents qui, de ville en ville, suivent patiemment les feux arrières en transportant courges, soya, poisson séché, algues, sashimi et melons à Fukuyama ». Pour ceux dont les plaintes étaient circonscrites, en somme.

A l’Heure australe, il composa un poème, écrit pour le silence. Cela participait de la même démarche, battant presque en retraite.
« […] je laboure l’ombre dense de mes vaines questions/Je sonde l’aube de tous mes yeux d’aumône/De tous mes bras de vent et de résine/J’écris pour le soir de la vie […] »
Photographie de Henri Huet, photo-reporter français mort en 1971 au Laos 
Son regard se portait comme un aimant sur le malheur et le cœur noir des êtres et des choses. D'autant qu’à l’heure de son Asie, la noirceur régnait partout, tandis que ses territoires payaient encore très cher le prix de leur révolte contre le joug colonial et que, toutes griffes dehors, ils se battaient pour devenir enfin maîtres de leur destin. C’était le cas du Vietnam où les Viet-congs rampaient alors dans leurs souterrains boueux, gavés de sang-sue, d’insectes et de reptiles réfugiés comme eux, sous la jungle grêlée d'acier, sous les villages rasés par des pluies de feu, empoisonnés sous des torrents de napalm et d’agent orange. 

A l’Heure vietnamienne, il témoigna avec virulence. « Dans les bois, la population s’arme et défend sa liberté, et les routes quand elles sont stratégiques, portent chaque jour, la mort américaine», écrivait Pestelli qui s’indignait, accusait, prenait parti, s’engageait le long de la route asiatique, mesurant l’ampleur du désastre. En mars 1965 depuis Pékin, il signa le long poème Au Vietnam combattant, dédié Aux militants du Front national de Libération du Sud Vietnam. A Saigon à l’automne, arrivé sur le terrain, il observait, s'assurait de ses propres yeux du sort des Vietnamiens et commit un texte à charge contre l'armée américaine qu’il conclut ainsi : 
« Je dis, je n’invente pas, maintenant je sais : il y a des opérations gigantesques menées par la plus puissante armée du monde pour exterminer sur une grande échelle. De sorte que les dits Viet-congs dans leurs forêts n’ont qu’à dire depuis dix ans : « Donnez-nous seigneur, notre obus quotidien ! » »
Un par bonhomme s’entend, clair et sonore. Nous en sommes malheureusement certains. 

A l’Heure siamoise, au contraire, il pestait contre « les indices de la paix américaine », achetée bien sûr à prix d’or, et qu’il décelait partout dans le royaume, à Bangkok en premier lieu.
« Je poursuis mon voyage douloureux et conscient à travers la misère et les débris. Plus seul que jamais, dans un pays hostile vis-à-vis de tout ce qui n’est pas américain, c’est-à-dire riche ! »
La Thaïlande, qui se targuait de n’avoir jamais été colonisée, se vendait aux Américains, et Pestelli fulminait, écœuré que ce pays soit devenu « une immense caserne » des Etats-Unis d'Amérique et que les bases thaïs servent à mieux bombarder le Vietnam.

 « Meurtres, plaines à transformer en immenses bases d’escalade, en ailes de mort toujours errante ! Tous les jours, au Nord-Est, la mort prend son départ avec ses crocs orange attributs de la paix ! »

Il ne mâchait pas ses mots, fustigeait « le sourire thaï, le sourire cupide et moqueur ! »  et la capitale « Bangkok, le grand bordel de l’Asie du Sud-Est ! » pour G. I . en goguette.  

S’il voyait le Vietnam de nos jours que le Parti communiste vietnamien vend lui-même, - quelle ironie du sort ! -,  aux Américains depuis bientôt vingt ans.  « Enjoy to be back » et « Happy to be back » se réjouissaient ainsi, sans vergogne, respectivement Coca-Cola et Pepsi-Cola en 1995, sur des affiches publicitaires et dans tous les journaux du pays, au lendemain de l’annonce de la normalisation de ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Depuis, Saïgon tente de damer le pion à Bangkok en termes de corruption et de bordels et ne s'en tire d'ailleurs pas si mal, tandis que Hanoï joue l’hypocrite pruderie d’une vieille mère-maquerelle. Qu’en écrirait Pestelli aujourd’hui ?

L'homme, aussi lunaire que Bouvier était solaire, se livrait à d’amers soliloques, éblouissants de ferveur. Comme l'écrivait Bouvier, un « jus âcre et fort […] irrigue ses textes-échantillons ». Pestelli, qui avait si bien lu le grand Livre des Merveilles de Marco Polo, ignorait toute jubilation à l'heure où il marchait sur ses pas. Il allait attristé. Désenchanté, il confia, dans une lettre à son épouse Michène, qu’il voyageait « comme un condamné au voyage », la mort dans l’âme, « circumnavigu[ant] en vain »
« Je t’écris en purgeant ma peine ; je dois faire le tour de cette île immense pour m’assurer de ce que les cartes ne mentent pas, de ce que le vide existe réellement au Nord comme à l’Est. Voilà jusqu’où me pousse le devoir de voyager ! Je suis à la recherche du contre-voyage ! Je ne trouve que pluie, brouillard, terre inondée ! »
Il peinait à s’inscrire dans le monde, s’y sentait étranger, une âme en peine dépourvue « de place sur cette terre, ni dans la vie, ni dans la mort ». Il souffrait du vide béant dont il faisait sans cesse l’expérience,  ce vide qu’il ressentait entre les hommes avec lesquels il reconnaissait avoir du mal à dialoguer. Il se sentait inapte à la vie, « pas fait pour le regard des autres, mais pour la solitude et l’immobilité. »
« Du voyage ou de l’attente je ne sais quel est l’instant le plus fécond, mais depuis mon enfance j’ai fait un pari avec l’espace, comme si mes rêves avaient tous été taillés selon la courbure de l’horizon, comme si mon désir s’enflait par rapport aux sommets que le voyageur frôle en découpant le monde de son pas infatigable. »
Adolescents mobilisés pour combattre les Khmers rouges - L'ultime reportage de Gilles Caron, porté disparu au Cambodge - Avril 1970

A l’Heure indienne, dans une piécette, écrite entre Lahore et Amritsar en  1961, l’obsession de la conception reprenait le contrôle de son humeur en même temps qu'un souvenir le menait à l’entrée ou la sortie d’un tunnel.
« L’embryon émasculé que je suis devenu retrouve sa place dans la matrice solaire du Milieu, dans le climat cuivré de la patience. » 
Quelques phrases plus loin, il notait :
« Depuis hier le désert délire ; il se pare de marées vertes qui me donnent le vertige. La vallée de l’Indus est traversée par un train  fugitif. Et moi, dans ce train, plongeant vers l’enfance et retrouvant l’orifice maternel. » 
A l’Heure javanaise, en février 1967, un poème doux consacrait en revanche l’humble sensualité des femmes de l’île indonésienne.
« Femmes aux mollets d’acier et de velours,/A la fois nobles comme des princesses et pauvres comme des mendiantes,/femmes aux chevelures de désir,/Aux poitrines de forêt vierge/ Aux genoux de hasard et de mouvement… ! /Femmes et fruits désirables, parfaits dans votre turgescence lointaine… ! »
A Java, il évoquait  de nouveau son trouble de l’origine dans un texte intitulé Crise d’identité dans lequel un voile semblait vouloir se lever, où il délivrait une infinitésimale parcelle de secret. Le Long Eté en est ainsi tout entier parsemé, comme un rare trésor de perles sombres.
« […] un lieu est fait aussi d’hommes qui, bien que transitoires, ont leur mot à dire en ce qui nous concerne ; il faut bien que, par un geste ou un autre, ils nous acceptent, puisque nous venons d’ailleurs. Mais voilà qu’ils me renvoient à mes racines, qu’ils déterminent par témoins, ambassades et arbre généalogique, le lieu de mes origines et m’y renvoient pour que j’y fixe mon domicile,  à l’abri entre mes familiers, avec lesquels, je jure, je n’ai rien en commun à part ces liens dits de chair et la haine qui servit de sève pendant ma croissance. »
A l’Heure japonaise, il s'était vu « désemparé sur quelques îlots schisteux en train de contempler le rideau sarcastique de la mer ».
« Quand je n'aurai plus d'îles pour avancer, - l'une après l'autre ces terres d'abord secourables m'auront déçu et trahi-, je n'aurai plus qu'à deviner, l'œil vigilant, une faille extrême dans le continent d'en face pour m'y terrer avec mon contenu de néant. »
Croulant sous le poids de sa mystérieuse malédiction, de honte et de culpabilité qu'il assumait au nom de l'Occident d'où il venait, il semblait voyager courbé, sans regard à l'entour. Il était tout entier happé par la perception même de la souffrance, ce portrait craché du monde misérable qu’il foulait. Et quand tout cela devenait trop lourd à porter dans sa besace, Pestelli la vidait d’une geste fulgurante, en un éclair obscur, larguait ses salves de pure bile noire. 
 « Fusées que je pourrais avoir moi-même braquées contre le ventre de ma mère, contre l’endroit même d’où je suis sorti, d’où je fus extrait sans savoir pourquoi quand j’atterris sur ces îles en apparence pacifiques… Braquées comme par jeu, comme le fait l’enfant avec sa mère lorsqu’il apprend pour la première fois que, de ses petits doigts retors, il pourrait aller jusqu’à faire saigner les plis de celle qui l’engendra, lui, autrefois corpuscule translucide, à peine visible à l’œil nu, transmis d’un corps à l’autre par une nuit où pesait également l’insomnie mais plus apaisante, toutefois dans ce dialogue de corps en sueur qui le provoque, de spasme en spasme, lui, comme une étincelle destinée à amortir et à déterminer le sens de l’orgasme subi. Et voilà que privé de père présumé, s’étant amusé à lorgner les formes maternelles à travers les décombres de ses propres souvenirs il aurait fini par les prendre en horreur. » 
Contrairement à Bouvier, Pestelli n’avait pas vraiment aimé le Japon, le pays extrême par excellence où il lui semblait évoquer « la mort plus souvent que jamais », et son cortège de « fantômes des heures ténébreuses ».
« Ainsi les morts se font plus nombreux que les vivants dans ces îles au paysage limité et la solitude me permet de décatir patiemment mes personnages à la lueur d’une planète aveuglée. Et je suis plus à l’aise dans cette mémoire retrouvée qui, impitoyable, me renvoie à la nuit d’où je suis venu. » 
A Kyôto en 1966, Pestelli vivait mal d'être le Gaijin, signifiant l’étranger, qu’il préférait traduire tel qu’il devait s’entendre vraiment, soit plus précisément, un homme « honni, barbare et sale ».
« La foule semble bien administrée. Qui songerait à secouer ces terrassements sociaux ? Ils ne vivent que sur du bois très fragile, entourés de papier translucide qui ne cède pas aux grondements des volcans ni aux soubresauts de la terre, ni aux éraflures des cyclones : patience qui, de siècle en siècle, leur a fait découvrir la meilleure formule pour triompher du vide. »
Le Japon impeccable, irréprochablement organisé, soigneux, poli, parfaitement intériorisé l’agaçait. Là où Bouvier savourait la délicatesse de ses rencontres nippones, où le portraitiste hors pair faisait une razzia de visages, trouvait de la beauté et de l’espoir partout, Pestelli, lui, semblait aveugle, imperméable, et n’avait qu’une idée en tête, celle de fuir « cet archipel conçu comme un chien couché pour garder l’écurie orientale ».
 « Et Gaijin plia bagage, résigné,  prêt à chercher un nouveau gîte ! Non ! Il ne pouvait plus rester ici ! Dans ces îles si bien astiquées où même le ciel recevait son coup de brosse tous les matins, dans cet immense décrassoir d’âme ! Il ne pouvait plus supporter cette odeur de buanderie, ces hommes aux mains toujours propres qui n’avaient plus de visage, ces maîtresses de maison à l’âge indéfinissable et aux manières si empruntées, ces guerriers au code si strict dont l’honneur ne souffrait le moindre affront.»
Pestelli ne savait pas s’y prendre sans doute, plus brutal et maladroit, leurs atouts n’étaient pas les mêmes. Il se sentait peiné d’aimer si peu le Japon et le dédouanait volontiers. « Ce n’est pas de sa faute », disait-il, mais il le quitta tout de même « avec le poids d’un dégoût » qu’il ne pouvait expliquer. Et tel un Ulysse mal incarné, dans sa Dixième lettre à Pénélope, il admettait son échec, sentant qu' « au bas ventre, végète ce moi humilié de ne pas avoir su conquérir ». Et puis, d'évidence, il avait pensé à Bouvier qui, rentré au pays en vainqueur, était malgré lui écrasant.
« En Hokkaido, j’ai suivi tes traces. Oui ! Oshamambe et sa chevalinite ! Le cap Erimo sur lequel je n’ai pas rencontré, hélas !, d’éleveuse d’otaries aux yeux gris-violet ! Je pense que c’est l’écrivain qui fait le paysage et non le paysage qui inspire l’écrivain. » 
Ce message lui était adressé, sans le nommer. Il l’avait écrit au retour d’un voyage sur l’île d’Hokkaïdo où Bouvier avait lui-même séjourné en 1965. Ce dernier en avait rapporté une savoureuse anecdote qu'il lui avait sans doute racontée avant sa publication dans Chronique japonaise, et qu’il fallait avoir lu pour saisir à qui et à quoi faisait référence son ami. 

En août 1966, à l’heure du départ, l’ombre d’un regret un peu coupable planait encore sur le front de Pestelli.  
« L’étranger s’échappe des îles de la nuit sans avoir rien compris. » 
En 1978, Bouvier dans son hommage posthume, accusait avec une émouvante subtilité toute l’impuissance et la solitude de cet être qui s'étaient retranché dans l’écriture, sans comprendre qu'il s'agissait-là peut-être de ce contre-voyage qu'il espérait tant. 

Bouvier le savait mieux que quiconque, « […] de toutes les compagnies, la plus fidèle, c'est encore cette solitude  qui [...] devient, au fil du texte, irréversible et souveraine. Parmi tout ce que nous méconnaissons chez nos amis, il est  une faculté qu'on sous-estime à coup sûr, et c'est celle de souffrir. Je crois que nous ne pouvions pas grand-chose contre cette ultime maîtresse et qu’il fallait la rencontre brutale de la mort au soleil d’un faubourg marocain pour que ce pèlerin qui allait devant lui "brûlant tout par l'absence" en fût délivré et guéri ». 


Lorenzo Pestelli, Le Long Eté, Préface de Nicolas Bouvier, Postface de Jil Silberstein, Editions Zoé, 2000. 27€






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